« Donnons enfin à l’économie circulaire les moyens de se développer »

Est-on en train de perdre trop de temps dans la mobilisation en faveur de l’économie circulaire et de la filière du recyclage, pourtant essentiels dans le combat climatique. C’est l’analyse d’Alfred Rosales, directeur général de Federec*. La thématique sera au cœur d’une séance plénière du 24 septembre des Assises des déchets, consacrée à la préparation de la COP 21.

 

On parle beaucoup de l’économie circulaire et de son développement, mais vous êtes cependant loin de vous en satisfaire. Quelle est votre analyse ?

Alfred Rosales : Le combat de l’économie circulaire est loin d’être gagné, face à une économie linéaire qui reste prééminente. Il faut par exemple savoir que, malgré les déclarations d’intention et les postures volontaristes, les conditions de marché des commodités restent déterminantes et que l’économie circulaire en souffre largement. Aujourd’hui, les cours du pétrole sont ainsi à la baisse durablement, pour des raisons très circonstancielles liées aux conditions d’exploitation ou à des choix opérés par certains acteurs internationaux… ce qui a pour conséquence d’entraîner un retour en grâce spectaculaire des matières premières vierges. Malgré tous les discours, c’est un vrai paradoxe, les industriels continuent aujourd’hui à privilégier les matières premières vierges, au détriment d’une économie circulaire. Et donc au détriment de l’impact profondément structurant des matières premières issues du recyclage sur la préservation de la ressource, au détriment des processus totalement différents auxquels sont liées ces matières issues du recyclage, ancrés socialement dans les territoires…

 

Comment peut-on agir ?

Alfred Rosales : Il me semble urgent de repenser les priorités et de ne pas se tromper de combat. Prenons l’exemple des voitures électriques : on subventionne leur développement, alors même que tous les observateurs analysent que ce dispositif d’accompagnement a bien peu de chances d’être rapidement efficace en terme d’empreinte carbone et d’efficacité énergétique. En revanche, on néglige en même temps de soutenir massivement l’économie du recyclage, dont tout le monde affirme pourtant le potentiel. C’est pour le moins paradoxal, et révèle ou un manque de prise de conscience ou un déficit de volontarisme. Un autre exemple simple pour illustrer cela : la fabrication de l’acier. Depuis plusieurs années, Federec rappelle que la conversion de la filière aux fours électriques aurait des impacts en chaîne : utilisant des ferrailles préparées localement par les entreprises de recyclage, elle éviterait d’importer des matières premières (minerai, charbon, coke), limiterait la consommation énergétique et ferait largement baisser l’émission de CO2. Pourquoi n’avance-t-on pas dans ce domaine ? Si plus largement on généralisait l’utilisation de matières premières issues du recyclage, l’économie française ne tarderait par à atteindre et même dépasser les objectifs fixés de baisse de l’empreinte carbone et d’amélioration de l’efficacité énergétique et pourrait ainsi revendiquer une position de leader international du recyclage.

 

La préparation de la Conférence COP 21 sur le climat n’ouvre-t-elle pas des opportunités pour faire évoluer les choses ?

Alfred Rosales : Nous en sommes persuadés, et c’est toute la logique de la séance plénière que les Assises des déchets consacrent à ce sujet. Les entreprises du recyclage, et de l’économie circulaire en général, y affirmeront en tout cas leurs convictions, alors même que nombre d’entre elles sont en difficulté, parfois contraintes à la fermeture, faute de véritable soutien. On a déjà perdu beaucoup de temps, d’argent et d’emploi en la matière. Il faut aujourd’hui avancer dans la prise de conscience, ne pas se faire aveugler par les phares des éco-organismes, dire la réalité : aujourd’hui, personne ne s’empare vraiment du sujet des déchets, et nos poubelles continuent de grossir. Poussons enfin les feux de l’économie circulaire, changeons d’échelle et de point de vue, déclenchons un « plan Marshall » en faveur des déchets et du recyclage, regardons les vrais enjeux industriels qui sont à l’œuvre, analysons la situation périlleuse des acteurs qui sont en première ligne, ceux qui prennent le risque des actifs immobilisés sur le territoire… D’autant que la problématique des déchets et du recyclage donne des moyens concrets à chaque citoyen de comprendre, d’agir, de passer à l’acte face au changement climatique.

*Federec est un syndicat professionnel qui regroupe les acteurs du recyclage en France, avec près de 1 300 sites adhérents et plus de 26 000 emplois non délocalisables. www.federec.org

 

SP2 : Préparation de la COP21

Dans le cadre de la préparation de la COP 21, la dernière plénière des Assises des déchets, le 24 septembre à 16h, sera consacrée à la contribution de la prévention, du recyclage et de la valorisation des déchets à la lutte contre le changement climatique.

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