R&D et innovation : à la recherche de la qualité parfaite

« Nous avons besoin de R&D pour garantir la qualité de la matière secondaire. » Ce constat simple est partagé par tous les intervenants de la table ronde qui ont passé au peigne fin les dernières innovations, parfois en phase de test ou de prototypage. À retenir : le papier fait des prouesses, le marquage invisible débarque et les centres de tri passent en mode 4.0.

C’est une révolution qui a commencé dans nos boîtes aux lettres : le film plastique qui enveloppait les journaux et magazines a été remplacé par un emballage papier transparent et thermoscellant au grammage faible, le e-bliss. Le secret : la fibre de cellulose, polymère naturel à base d’assemblages de sucres. « Nous développons aujourd’hui de nouveaux matériaux sous forme de mousses de cellulose, révèle Gilles Lenon, directeur du Centre technique du papier, ce qui nous permettrait d’aller chercher les marchés du polystyrène. »

Le marché s’oriente vers le mono-matériau

L’autre progrès porte sur les gobelets dont la conversion à la cellulose est quasi achevée. « Nous sommes passés d’un gobelet plastique à un produit multi-matériaux, puis rapidement à du mono-matériau qui simplifie le geste de tri, qui est totalement recyclable et vers lequel le marché s’oriente, reprend Gilles Lenon. Nous sommes parvenus à un gobelet à 97% en cellulose, traité en surface avec un polymère biosourcé, recouvert d’un acide gras qui permet de rendre le papier étanche. Pour la colle, dernier verrou, nous nous orientons vers le soudage par ultrasons. »

Barquettes : le papier passe à la 3D

Grâce à l’écosystème grenoblois – 400 chercheurs de 8 instituts travaillant sur ce sujet au sein de la Cellulose Valley – la cellulose produite atteint désormais l’étanchéité totale à l’eau, l’oxygène et les microbes. Technologie mise au service des barquettes alimentaires qui voient le papier gagner du terrain pour un traitement… en 3D : la fibre a été travaillée pour lui donner de la souplesse (15% d’élongation) dans une approche multicouches de matériaux soudées par ultrasons.

Plastiques alimentaires : objectif PP et PE

Côté plastique, Gilles Dennler, directeur de la recherche du Centre technique industriel de la plasturgie et des composites, confirme la doctrine des 4 R : réduction, réemploi, réparation et recyclage (par l’éco-conception et les cycles de valorisation). Le gros sujet innovation du secteur, c’est de permettre aux résines recyclées de polypropylène (PP) et de polyéthylène (PE) de venir au contact d’aliments, pour le moment réservé au PET. « La R&D doit nous aider à intégrer ces autres plastiques d’emballage, estime-t-il. Nos travaux visent à faciliter l’élimination des différentes substances que le PP et le PE ont pu absorber durant leur cycle de vie. Nous utilisons un traitement au CO2 supercritique pour décontaminer ces plastiques recyclés mécaniquement à partir de déchets d’emballages ménagers, afin de permettre leur retour au contact alimentaire. »

Centres de tri : déjà le 4.0

Pour atteindre cet objectif, pas de secret : la qualité du produit est la priorité des innovations dans les centres de tri. « Nos clients n’attendent pas de trier, mais de sortir des fractions pour valoriser la matière, résume sobrement Marc Minassian, le directeur commercial de Pellenc. Il faut donc de la qualité dans les matières triées et ne pas en perdre dans le flux entrant. » Les trois leviers R&D dans les centres de tri pour accompagner cet objectif sont la multiplication des capteurs optiques – jusqu’à 20 dans un centre de tri, et dont l’articulation hardware et software marque l’entrée dans une ère 4.0 ; le marquage invisible (ressemblant à du braille, il est lu par les capteurs qui ne cherchent plus la matière ou la couleur) ; l’IA (intelligence artificielle) destinée pour le moment à isoler des événements rares ; le tout porté par la nécessité de s’adapter en permanence aux nouveaux matériaux que notre société produit.

Maîtriser le risque dès la R&D

Le risque, inhérent à tout procédé industriel, doit lui aussi être appréhendé dans les processus d’innovation et de R&D, comme une étape nécessaire à l’éco-conception et à la protection du consommateur. Benoît Schnuriger, responsable d’affaires chez Ineris, rappelle qu’« il faut bien connaître les substances toxiques présentes dans les matières recyclées pour trouver un bon mode de séparation et protéger les consommateurs. La R&D est indispensable à cette connaissance. » Et de prendre l’exemple d’une PME qui développait un processus de pyrolyse et de gazéification. « Cela avait l’air super : des matières solides qui entraient, des gaz qui sortaient. Or, il y avait des risques d’explosion ou d’incendie qui auraient pu mettre en péril l’outil industriel. » À méditer avant de lancer sa R&D.