AT 3 : nouvelles technologies et déchets, des révolutions à double tranchant

Lors de l’atelier « High-tech et déchets » des Assises des déchets 2024, les intervenants ont débattu des enjeux et des opportunités que représentent des technologies avancées telles que l’intelligence artificielle ou la robotique. Un sujet éminent d’actualité et très complexe, car l’impact environnemental réel des solutions technologiques est extrêmement difficile à mesurer.

Manuel Burnand, directeur général de Federec, ouvre l’atelier en soulignant l’importance de l’innovation dans le secteur du recyclage, particulièrement dans la gestion des déchets électroniques. Il évoque notamment la question des batteries lithium qui sont des “bombes incendiaires, responsables de nombreux départs de feu” et représentent “un vrai défi collectif, car chaque batterie a ses spécificités”.

Manuel Burnand insiste également sur la nécessité de convergence entre innovation et économie. “Il faut concilier les filières REP et les outils utilisés avec l’évolution rapide des flux de déchets et la concurrence internationale, en particulier celle de la Chine, et l’IA peut apporter des atouts clés à notre secteur.

Concernant les enjeux de souveraineté et de compétitivité, il met en avant le rôle que peut jouer le MACF, Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, tout en reconnaissant la difficulté de mesurer le poids carbone de chaque produit importé.

L’IA, une révolution pour la gestion des déchets

L’intelligence artificielle est au cœur des transformations de la gestion des déchets, et il existe de nombreux cas d’usages. Domitille Prévost, ingénieure IA pour le climat chez Ekimetrics et auparavant passée chez SUEZ, partage des exemples concrets de projets qu’elle a menés et dans lesquels l’IA permettait d’optimiser la gestion des déchets :

  • la poubelle intelligente du projet Recocity qui trie automatiquement les déchets et récompense les citoyens avec des bons d’achat ; 
  • l’optimisation de flottes logistiques grâce à des algorithmes pour minimiser les trajets et maximiser l’efficacité du recyclage ;
  • un chatbot développé pour l’Ademe, Sofia, qui permet aux citoyens de poser des questions sur l’environnement ;
  • un algorithme développé pour Unique héritage média afin de prédire les ventes de magazines par kiosque et qui leur a permis de réduire la production de déchets de 30% ;
  • une surveillance par satellite de l’accumulation de déchets dans la mer pour qu’une ONG puisse intervenir rapidement (une solution proche de celle de Disaitek, lauréat du Speed meeting innovation des Assises 2023).

Marjorie Darcet, PDG de Lixo, complète cette liste en expliquant comment son entreprise utilise l’IA pour détecter des déchets dangereux dès la collecte, notamment les bouteilles de protoxyde d’azote (aussi appelé gaz hilarant et particulièrement à la mode chez les adolescents), ou encore pour identifier des zones de contamination et mieux cibler les campagnes de sensibilisation. 

Elle pointe cependant le danger de croire que l’IA est adaptée à tous les défis technologiques. “L’intelligence artificielle n’est pas une solution miracle : par exemple, elle ne permet pas encore de réaliser des détections de matières sur des tapis roulants, il faut plutôt utiliser des technologies éprouvées telles que la détection de métaux.

Réemploi et reconditionnement des composants électroniques

Les nouvelles technologies peuvent aussi être très utiles pour le reconditionnement de composants électroniques. David Béné, président de Resale Components, explique ainsi que la robotique et l’IA permettent de démanteler des objets électroniques obsolètes comme les box et décodeurs TV et de récupérer des composants de valeur. 

L’IA permet d’intervenir sur de petites séries et même unitaires, et de reconnaître des produits dangereux ou des piles pour pouvoir les extraire. Elle permet aussi de faire des tests in situ pour tester le bon fonctionnement des composants. 

Sobriété numérique et impact environnemental

Alors que le numérique devient essentiel dans le secteur des déchets, il a aussi un impact environnemental important qu’il convient de mesurer pour que la solution ne soit pas pire que le problème initial. 

Erwann Fangeat, coordinateur technique du service sobriété numérique à l’Ademe, présente les résultats d’une étude de 2020 sur l’impact environnemental du secteur numérique en France. Celui-ci représente 17 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit 2,5 % du bilan carbone national, et 10 % de la consommation électrique. “De plus, l’impact pourrait tripler d’ici 2050 par rapport à 2020, alors même que nous n’avons pas pris en compte l’essor de l’IA qui amène aujourd’hui tous les acteurs du numérique à revenir sur leurs engagements.

L’apprentissage machine est en effet très consommateur en hardware et en énergie”, avertit Marjorie Darcet, PDG de Lixo. “Pour réduire l’impact environnemental, il faut donner à l’IA des informations déjà très calibrées et utiliser le pruning qui consiste à miniaturiser les algorithmes pour qu’ils soient plus économes.

Erwann Fangeat note cependant que le numérique permet de décarboner d’autres secteurs (gestion des déchets, éclairage public, gestion de l’eau, etc.) et annonce que l’Ademe vient de lancer une évaluation complète sur 6 cas d’usage pour identifier les impacts complets : directs, indirects et rebonds. 

L’exercice à faire est de calculer les ordres de grandeur”, conclut Domitille Prévost : “La solution digitale n’est pas miraculeuse et a un impact dont il faut être conscient, mais si l’analyse du cycle de vie montre un intérêt, il ne faut pas s’en priver non plus.”

Le high-tech, un sujet sous les projecteurs

Ce débat a permis de démontrer une nouvelle fois qu’il est essentiel de rester très attentif à tous les développements technologiques et à leur évaluation en termes d’impact environnemental. Nous sommes persuadés que cette thématique du high-tech appliqué aux métiers du déchet sera récurrente lors des prochaines Assises étant donné l’incroyable rapidité de nos sociétés à adopter de nouveaux outils numériques et leur trouver de nouvelles applications dont nous ne mesurons pas encore l’intérêt ou les opportunités.