La sortie du statut de déchet, un équilibre délicat

Alors que le statut de déchet a été mis en place pour protéger l’environnement et la santé humaine, il peut aujourd’hui constituer un frein au développement de l’économie circulaire. L’atelier 1 des 18e Assises des déchets abordera cette thématique afin de faire le point sur les opportunités et les risques.

Le statut de déchet a été créé dans les années soixante-dix. Il se décline en différentes typologies :

  • les déchets inertes, qui ne réagissent pas avec l’environnement ;
  • les déchets non dangereux ;
  • les déchets dangereux, qui présentent un risque chimique, industriel, pour la santé humaine ou pour l’environnement.

Depuis une dizaine d’années, de nombreuses initiatives sont menées au niveau européen ou français pour assouplir le statut de déchet. L’objectif est de permettre à certains déchets de redevenir des produits ou d’être réutilisés comme matière première à la condition qu’un traitement soit effectué pour éliminer tout élément polluant.

Une application à géométrie variable

Nous constatons aujourd’hui que les professionnels rencontrent des difficultés concrètes liées au statut de déchet”, témoigne Benjamin Denis, responsable des affaires publiques pour Séché Environnement et pilote de l’atelier. “Cela représente notamment des freins pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire qui récupèrent des objets en fin de vie pour leur donner une seconde vie : il y a un manque de lisibilité réglementaire sur ce qu’ils peuvent faire ou non.”

BENJAMIN DENIS - Pilote 18e Assises des déchets

Contrairement aux personnes et aux produits, les déchets ne bénéficient pas de la libre circulation au sein de l’Union européenne : il est nécessaire de respecter un cadre réglementaire et des procédures pour encadrer leurs déplacements. Mais ces règles de circulation peuvent être complexes à cause des différences entre pays. “Les acteurs s’inscrivent dans un marché à l’échelle de l’Europe, mais l’application varie d’un pays membre à l’autre. Certains industriels ont des usines de production partout en Europe, et des déchets qui sont traités dans un pays européen peuvent être réutilisés comme matière première là-bas, mais ils ne sont pas reconnus comme produits en France.

Le problème est encore plus sensible en ce qui concerne les déchets dangereux : “Les plus gros producteurs de déchets dangereux sont les entreprises du secteur industriel, et nous constatons que le niveau d’activité industrielle de certains pays ne correspond pas avec le volume de déchets dangereux émis. Il semble donc que l’application des règles ne soit pas aussi rigoureuse qu’elle peut l’être en France ou en Allemagne, par exemple”, révèle Benjamin Denis.

Un assouplissement à mener avec vigilance

En octobre 2023, la France a promulgué la loi relative à l’industrie verte qui permet d’assouplir le statut de déchet. En effet, la réglementation européenne reconnaît trois statuts possibles : déchet, produit ou sous-produit. Le sous-produit est un résidu de production et doit normalement répondre à 5 critères pour ne pas être qualifié de déchets. Or la loi industrie verte indique que, pour certains résidus de production issus de plateformes industrielles, ils peuvent être considérés comme sous-produit s’ils respectent uniquement 2 critères sur les 5 fixés par l’Union Européenne.

Cet assouplissement permet d’augmenter la réutilisation de matière, mais présente aussi des risques selon les experts. “Séché Environnement est un groupe important dans le domaine du traitement des déchets dangereux, et nous sommes convaincus que le niveau d’exigence doit rester très élevé. Il y a en effet un risque de déclassifier des produits dangereux, ce qui pourrait conduire à disperser des substances dangereuses dans l’environnement, remettre des substances toxiques dans les cycles de production, ou encore de les brûler dans des installations qui ne sont pas équipées pour cela. Il faut faire preuve d’une grande vigilance pour ne pas risquer de provoquer des accidents industriels.

Comprendre les attentes des autres parties prenantes

Les Assises des déchets, c’est un événement très important qui permet de regrouper tous les acteurs de la filière : entreprises, collectivités, pouvoirs publics, associations… Il permet de prendre du recul sur nos sujets quotidiens, d’échanger sur des thématiques importantes pour le secteur et de se projeter vers l’avenir. Les discussions sont très ouvertes, avec de grandes différences de points de vue, ce qui permet de comprendre les contraintes et les attentes des autres parties prenantes afin de proposer des alternatives viables.”