AT 3 – Statut des déchets : entre accélération et vigilance

L’encadrement réglementaire de la gestion des déchets a été mis en place dans un contexte d’économie linéaire, avec le besoin de conserver un contrôle et une traçabilité des flux, jusqu’à leur valorisation ou leur élimination finale. Or, le changement de paradigme économique souhaité avec la politique de transition énergétique pour la croissance verte entraîne aujourd’hui une volonté d’inclure le déchet dans une logique d’économie circulaire. Dans ce contexte, on peut s’interroger sur le frein éventuel que constitue le statut de déchet au développement du recyclage et de la valorisation des déchets, ressources appelées à connaître un nouveau cycle de vie.

Les intervenants de l’atelier ont fait au préalable le constat qu’aujourd’hui, il existe d’autres freins que la réglementation :

– des freins économiques notamment : le recours à des matières premières pouvant être privilégié selon le cours du pétrole. Des instruments économiques ou l’obligation réglementaire d’incorporer des matériaux issus du recyclage pourraient y remédier.

– des freins sociétaux au développement du recyclage, compte-tenu des incertitudes sur la composition du déchet qui fait peur (notamment l’utilisation de matériaux alternatifs en BTP). La plus grande vigilance environnementale accompagnée de communication sur la promotion des bénéfices environnementaux attendus est indispensable pour y répondre.

Par ailleurs, concernant la réglementation, il a été rappelé qu’un industriel peut déjà utiliser des déchets en substitution de matière première dans un procédé de « production autorisé », à condition que le produit fini ait les mêmes caractéristiques qu’un produit fabriqué sans déchets. C’est ce qu’on appelle la sortie de statut de déchets « implicite ».

Largement utilisée dans certaines filières, comme le verre ou la régénération de solvants évoquée pendant l’atelier, les marchés de ces filières existent depuis longtemps, leurs spécifications techniques sont connues. Ainsi, la sortie du statut de déchet (SSD) entérine aujourd’hui des pratiques déjà bien intégrées techniquement et économiquement, de sorte que les avantages procurés par la reconnaissance du statut de non déchet ne sont pas évidents.

Le frein réglementaire n’est pas toujours une réalité, mais le flou autour du statut de déchet ou de non déchet – introduit par la directive-cadre en créant la sortie de statut de déchets – est néanmoins un frein notamment pour des producteurs de déchets qui peuvent privilégier un circuit d’élimination plutôt que le recyclage au motif que celui-ci garantira l’extinction de sa responsabilité.

Les participants à l’atelier proposent ainsi d’assouplir sur la base des propositions et recommandations suivantes à la ministre de l’ Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie :

1- que le MEDDE publie un avis au JO qui explicite officiellement le champ de la sortie de statut de déchet implicite, pour les installations de production qui utilisent du déchet en substitution de matière première. Cela viendrait augmenter le sentiment de sécurité juridique des acteurs industriels concernés. Dans le même esprit, développer au niveau français ou européen un outil du type « is it waste », déjà utilisé au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, aiderait les industriels à faire une autoévaluation de ce qui est un déchet ou un sous-produit.

2- que des arrêtés génériques de SSD soient pris pour des opérations de valorisation complètes et courantes de déchets, dans des domaines pertinents, par exemple pour la préparation en vue de réutilisation complète (style ENVIE) et la régénération. Il faudra cependant veiller à ce que les modalités retenues soient accessibles aux opérateurs et ne constituent pas un frein.

3 – idéalement que les décisions de sortie du statut de déchets soient prises au niveau européen, car une SSD nationale n’est pas reconnue par les autres pays, alors que l’objectif est de favoriser l’intégration dans le marché concurrentiel européen des produits recyclés. Si la SSD au niveau européen apparaît trop longue ou échoue, que des Etats membres puissent définir ensemble des critères de SSD dans des domaines pertinents (en s’appuyant sur les travaux par ex du Royaume-Uni et des Pays-Bas).

Ces éléments pourraient être proposés dans le cadre de la négociation du paquet économie circulaire européen à venir.

4 – que l’on travaille sur la notion de sous-produit aujourd’hui non utilisée au niveau européen, ou par défaut dans un premier temps au niveau français, car elle peut favoriser le recyclage dans certains domaines. L’assujettissement de ces sous-produits à la réglementation « produits» permet d’éviter tout vide juridique et risque pour l’environnement ou la santé. Une idée serait que les BREF et les BAT* définissent les résidus industriels qui peuvent être considérés comme des sous-produits.

5 – que l’on fasse porter les efforts sur la caractérisation technique du déchet (matériaux, substances contenues dans le déchet), afin d’améliorer son image et trouver des débouchés aux déchets (leur donner une valeur concurrentielle), sans pour autant faire peser des contraintes analytiques trop lourdes. Ex : déchets du BTP.

6 – Que l’on rebaptise les Assises des déchets : « Assises des ressources », pour mieux prendre en compte l’économie circulaire.

 

*Best available techniques Reference document (BREF), Best Available Techniques (BAT)

 

Références

Rapport de l’Institut de l’Economie circulaire sur le statut de déchets

Plateforme « is it waste »

Projet européen Equal (Protocoles qualité)

Directivecadre

 

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