Valorisation énergétique : une filière au tournant de son histoire

La valorisation énergétique est-elle en train de prendre une place nouvelle dans la « hiérarchie déchets », au détriment de la prévention ou du recyclage ? C’est un risque que tous les participants à l’atelier technique Énergies et Déchets se sont efforcés de désamorcer. Ils ont plutôt souhaité affirmer sa complémentarité avec les autres traitements… mais en soulignant tout de même que la période actuelle est tourmentée, avec un manque criant de visibilité.

À la tête dernière unité de valorisation énergétique (UVE) construite en France (en 2013), Olivier Mezzalira, directeur général de Valtom à Clermont-Ferrand, décrit un enjeu de cohérence d’ensemble et de hiérarchie équilibrée des traitements au sein de son pôle multifilière (compostage, méthanisation, UVE, valorisation des mâchefers), en lien avec un projet de territoire bien pensé. L’objectif est bien de réduire la mise en décharge, qui est passée ici de 250 000 tonnes à l’année à moins de 90 000. Avec donc aucun effet « aspirateur à déchets » que certains peuvent craindre. L’objectif n’est pas d’attirer de nouveaux déchets, mais de tirer plus d’énergie du même volume de déchets.

On ne brûle pas pour brûler, on travaille à l’échelle d’un territoire, sans déséquilibrer les filières… La philosophie générale de la hiérarchie déchets ne doit donc pas être remise en cause par la montée en gamme de l’incinération. Une philosophie bien intégrée partout en Europe, même si les niveaux et les rythmes de développement ne sont naturellement pas les mêmes dans les différents états, explique Maxime Pernal, du CEWEP.

L’atteinte des hauts objectifs de réduction du stockage exige pour autant de développer l’incinération, en créant notamment des capacités. À noter le potentiel de nouvelles technologies qui exploitent au plus fin tout le potentiel énergétique d’un déchet, ou encore le fort potentiel des CSR (combustibles solides de récupération).

En fait, la période inaugure un nouveau paradigme pour l’incinération. On sort du seul enjeu des déchets pour développer une pleine logique énergie. « C’est une vraie rupture : le déchet est devenu source d’énergie, avec une large gamme de productions : chaleur, électricité, gaz et même carburant », analyse Christian Monnier, directeur des opérations industrielles de Séché Environnement.

Visibilité, constance et accélération

Encore faut-il, du point de vue opérationnel, que la visibilité soit au rendez-vous des investisseurs, publics ou privés. Variabilité ou remise en cause des tarifs d’achat électricité, règles de mobilisation des Fonds chaleur et Fonds déchets, trajectoire TGAP et incitations par certificats à géométrie variable et sans durée prévisible, concurrence non ou mal régulée face aux énergies fossiles…  Pour les collectivités comme pour les industriels, il est urgent de créer un contexte de visibilité et de constance, couvrant l’ensemble des encadrements réglementaires et fiscaux, en France et à l’échelle européenne.

L’incinération pourra ainsi continuer à monter en puissance, et bien se planifier à l’échelle des différents territoires. C’est d’ailleurs toute la philosophie des appels à projets que pilote actuellement l’Ademe,  jouant ainsi un rôle d’accélérateur au bénéfice d’une filière incinération qui vit un tournant de son histoire.