Un rapport du CGEDD sur l’exportation des déchets et ses défis

Le Conseil général de l’Environnement et du Développement durable (CGEDD) a récemment publié un rapport intitulé “Le devenir des déchets exportés à l’étranger par la France”. Une thématique sensible et complexe qui fera l’objet de temps dédiés lors des prochains événements Assises des déchets.

Loin des yeux, loin du cœur ? L’exportation de nos déchets présente des risques avérés, notamment en raison du manque de traçabilité. Selon un rapport du CGEDD, commandé dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), la France a exporté, légalement, 12 millions de tonnes de déchets industriels et ménagers* en 2020, correspondant à une valeur de 3,8 milliards d’euros.

La tendance est à la baisse et plus de 80% des déchets sont désormais envoyés vers des pays de l’Union Européenne. Les autres destinations principales sont la Turquie et le Maroc (ferraille et caoutchouc), la Tunisie, les Émirats Arabes Unis et le Pakistan (déchets textiles) ou encore l’Asie du Sud-Est (plastiques).

Un marché mondial en transition

Le rapport du CGEDD souligne des différences notables entre les filières de déchets, qui s’expliquent en particulier par l’évolution du positionnement de la Chine. Alors qu’il était le premier importateur mondial de déchets, le géant asiatique a mis en place une nouvelle réglementation en 2012 et a considérablement diminué ses importations de déchets.

Les effets sont particulièrement évidents pour l’exportation de déchets plastiques, puisque le marché mondial a baissé de 55 % depuis 2012 ! Par ailleurs, l’exportation de déchets de cuivre a reculé de 44 % depuis 2007 et celle de déchets de papier-carton a baissé de 21 % depuis 2016.

À l’inverse, le rapport indique que les exportations françaises de ferrailles ont augmenté de 80 % sur les 20 dernières années et que les déchets de la métallurgie représentent désormais 85 % en valeur des déchets exportés.

Données insuffisantes, fraudes et trafics : un suivi complexe

Les auteurs du rapport soulignent les limites de leur analyse en raison du manque d’exhaustivité et de fiabilité des données étudiées. D’une part car “l’utilisation de la nomenclature douanière du système harmonisé (SH) comporte des lacunes importantes pour le suivi des déchets« , et d’autre part car les autres sources de données (les fichiers de données de la DGDDI, ceux du PNTTD et ceux des éco-organismes dont le Système déclaratif des filières à responsabilité élargie du producteur, tenu par l’Ademe) peuvent difficilement être croisées. De ce fait, “les informations sur le devenir des déchets ne sont disponibles que sur des périmètres restreints”, avertit le rapport.

Par ailleurs, certains déchets ne sont pas comptabilisés en tant que tels car ils sont exportés en tant que produits usagés ou d’occasion. C’est par exemple le cas des DEEE (43 000 tonnes sous contrôle et 450 000 tonnes hors filières) et des véhicules automobiles (de l’ordre de 500 000 à 600 000 véhicules).

Enfin, le secteur des déchets est concerné par des trafics illicites et une criminalité organisée. « La Commission européenne estime que la part des transferts illicites pourrait représenter entre 15% et 30% du total des mouvements pour une valeur de 9,5 milliards d’euros […] Porteur de risques pour la santé et l’environnement, ils sont de surcroît en concurrence déloyale des entreprises qui ont des pratiques commerciales régulières. » Le rapport évoque l’importance de renforcer les contrôles et la répression contre la criminalité environnementale, « une menace croissante pour la communauté internationale« .

Améliorer le suivi en faisant évoluer les outils et les réglementations

Le CGEDD liste 13 recommandations telles que :

  • S’engager au niveau international pour faire progresser les réglementations, et notamment auprès de l’UE pour la révision du règlement n° 1013/2006 sur les transferts transfrontaliers de déchets ;
  • Harmoniser les nomenclatures et permettre le croisement des données recueillies en France, améliorer la précision des données recueillies à l’étranger ;
  • Encourager les éco-organismes en charge de filières REP à multiplier les audits auprès d’opérateurs internationaux recevant des déchets français et développer la coordination interfilières;
  • Lutter contre les pratiques permettant de contourner les réglementations actuelles et contre le trafic illicite de déchets en renforçant les sanctions ;
  • Favoriser l’écoconception, les pratiques de réduction des déchets à la source, l’économie circulaire et la relocalisation des chaînes de valeur de la production jusqu’au recyclage.

* Hors agriculture, agro-alimentaire et BTP.

Lire le rapport complet

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